
Le ciel noir de cette nuit glaciale la regarde de ses milliards d’yeux jaunes… on dirait une meute de loups qui me dévisagent, prêts à me déchiqueter… Pourtant, je n’ai pas peur se dit-elle… Elle sent un cri venir dans gorge, mais venu de très loin dans son ventre et même au-delà, de ce tréfonds noir et inconnu de ses entrailles… elle le sent remonter comme une bulle d’air dans un marécage boueux, prêt à éclater.
Elle se dit que si elle crie là, maintenant, tout son être va s’éparpiller dans le vide.
Elle le sait, c’est un cri de vie, un cri d’espoir fou, un cri de toute sa folie contenue…
Elle se dit : si je hurle ici et maintenant tout ce que j’ai tu jusqu’à ce jour, toutes les douleurs, toutes les souffrances mais aussi tous les bonheurs indicibles… si je crie de ce cri de vie, celui de l’expulsion des enfants que l’on sort de la nuit des ventres… si je laisse sortir de moi cette puissance bridée jusqu’à cet instant, qu’adviendra-t-il de moi ?
Vais-je me dissoudre dans la nuit et disparaitre ?
Est-ce que ma voix va éclabousser l’univers de sa violence primordiale et faire éclater le ciel lui-même ?
Serais-je vidée de ma substance comme une plaie purulente qui laisse échapper son fiel ?
Ou alors, peut-être que je vais grandir et remplir mon ciel des diamants de mon cœur comme autant d’étoiles et de constellations mystérieuses et lointaines ?
Je suis la femme des cris retenus pensa-t-elle, celle qui a peur de ce cataclysme qui gronde dans son ventre.
Je suis la femme sauvage, prisonnière de mes entrailles et a peur de mourir dans les filets doux de la bienséance… Même en accouchant se souvient-elle, j’ai gardé mes cris pour ne pas effrayer mes enfants, de peur de les engloutir dans la profondeur de ma sauvagerie…
A force de contenir, j’ai cru que ce cri s’était perdu à jamais.
Et pourtant ce soir, les yeux levés au noir de l’univers, les yeux dans les yeux jaunes des meutes étoilées, je me liquéfie tout en laissant enfin sortir ma voix du continent inconnu de mon intérieur.
Elle se demande alors : pourquoi ai-je eu si peur de me perdre, alors que tout s’est concentré enfin en une femme debout, authentique et fière.
Le sol boueux glisse et se répand par la brèche des genoux. Chercher un castor habile de sa queue pour fermer le cri à sa source Au plus ronceux des passages inaccessibles, le filet limpide va éclaircir la voie et donner réponse à la question sans…
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